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Bonjour.

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Je m'appelle Caroline Crépu et aujourd'hui je vais vous expliquer comment faire pour répandre assez facilement une rumeur, une "Fake News" parmi des sites d’extrême droite.

La méthode est très efficace. Quelques étapes suffisent, ainsi qu'une bonne connaissance de la mécanique de ces milieux et de la sémantique à utiliser.

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Ce tutoriel sera illustré par un cas d'école, concocté par votre serviteur : "L'affaire de la comptine islamique à l'école maternelle".

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Vous êtes prêts ?

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On y va !

Caroline Crépu, jeune mère de deux enfants, habitant à Angers

Étape 1 : inventer la "Fake News"

Cette première étape va faire appel à votre imagination... Il va falloir inventer une histoire qui tienne debout ! La fable doit respecter les critères suivants :

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- crédibilité : un minimum hein.. pas besoin de trop se creuser la cervelle... Plus c'est gros, plus ça passe.

- intérêt : ça c'est important ! Il faut que le sujet déchaîne les passions de votre public cible...

- et que ça soit assez marrant quand même : on n'oublie pas qu'on est là pour déconner

Dans notre exemple, on a décidé de faire un lien avec une chanson sur YouTube qu'on trouvait plutôt rigolote. Il s'agit de la comptine "Bismillah au nom d'Allah".

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On s'est dit que cette chanson restait bien dans la tête et l'idée que les vieux cathos réacs chanteraient ça inconsciemment, sous la douche, sans se souvenir d'où ils l'avaient entendue nous faisait pas mal marrer.

L'idée principale va être de faire croire que cette chanson a été apprise par mon fils de cinq ans à l'école maternelle. Je rédige donc un beau témoignage par mail :

On peut faire déjà quelques remarques sur ce premier mail :

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- Le caractère particulièrement cru et acerbe des propos employés est très important. Il faut en effet que mon destinataire, ici le rédacteur du site "Le Salon Beige", sente que je suis sur la même longueur d'onde que lui et que je ne cherche donc pas à le tromper. Il faut bien reprendre le plus possible des éléments de langages couramment  usités par l’extrême droite.

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- Pour plus de crédibilité, j'ai mentionné dans ce mail un véritable établissement à Angers, choisi au hasard. J'en profite à présent pour adresser mes plus sincères excuses à l'école pour les éventuels désagréments. Vous comprendrez par la suite pourquoi...

Le Salon Beige et Riposte Laïque, deux médias de ré-information exemplaires

La première phase est pratiquement terminée : on envoie ce petit bijou à quelques blogs et sites d'extrême droite et on regarde ce qu'il se passe !

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Dans notre exemple, nous avons décidé d'envoyer la news au "Salon Beige" et à "Riposte Laïque".

Étape 2 : surveiller les réactions

Ça y est !

 

Notre article est publié en ligne sur le Salon Beige seulement 23 minutes après l'envoi du mail ! C'est très rapide ! Tout y est : on a même eu le droit à un lien direct sur la vidéo de la chanson. C'est inespéré...

 

Cette deuxième étape est la plus satisfaisante et la plus grisante : les premières réactions sont déterminantes pour la suite du buzz.

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L'article a fait largement réagir au sein de ce blog : 27 commentaires en 24 heures ! Il est rare que des posts de ce blog dépassent les 10 commentaires tandis que la majorité n'en possède même pas. C'est donc un franc succès.

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Je ne résiste pas à l'envie de vous mettre un petit pot (vraiment) pourri des meilleurs commentaires.

Accrochez-vous, c'est pimenté !

La publication sur le Salon Beige, avec le lien direct vers la vidéo YouTube

Le fougueux

L'observateur

L'astucieux et le pessimiste

En parallèle, le mail à destination de Riposte Laïque est également envoyé et, le soir même, le témoignage est publié !

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Le texte de l'article est le même que celui de mon mail à une seule exception près : pour une raison que j'ignore et que je ne saurais supputer, ils ont décidé de transformer mon témoignage de jeune mère en témoignage de jeune père, sous le pseudonyme de "Paul Simon". Ok.

Le visuel de l'article de Riposte Laïque...

Notez le bon goût de l'illustration choisie

L'article fait son petit buzz parmi la communauté des lecteurs ! Les réactions sont magiques et, de nouveau, on trouve des perles dans les commentaires...

Bravo "Garde Suisse"... Très, très mature franchement...

Un rap contenders qui sort de nulle part

Un bel exemple de renversement de la charge de la preuve

WTF...

La boulette...

L'article fait partie des plus commentés du site Riposte Laïque avec plus de 360 commentaires et un total de plus de 8200 vues. Belle performance.

Étape 3 : observer la diffusion

Bon... On s'est bien marré !

 

Passons aux choses sérieuses, à présent. Nous allons regarder comment le truc s'est répandu sur la Toile à partir de là.

Le choix d'envoyer la fable initialement au Salon Beige et à Riposte Laïque ne s'est pas fait au hasard. En effet, il fallait que deux sources relativement indépendantes de la fachosphère publient "l'info" afin que les lecteurs des deux sites puissent tomber dans le panneau plus facilement.

 

Je vous renvoie vers cette vidéo d'"Hygiène Mentale" qui explique fort bien ce phénomène d'auto-confirmation au sein de la bulle de la fachosphère.

A partir de ces deux sources originelles, le témoignage se répand par trois types d'intermédiaire : d'autres blogs plus ou moins influents, facebook et twitter.

Parmi les blogs, on peut notamment citer celui de Jean-Paul Saint-Marc : Résistance Républicaine, un blog parte-naire de Riposte Laïque, qui postera un article beaucoup partagé sur les réseaux sociaux.

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On peut déduire de tout ça le petit schéma suivant :

Encore une fois, le visuel de l'article est soigneusement choisi...

54 partages

472 partages

299 partages

Une belle conséquence de cette diffusion rayonnante est le partage sur Facebook d'un des articles de blog par Pascal Gannat, un élu Front National de la région des Pays de la Loire.

Alors... On vérifie pas ses sources avant de publier des trucs ?

Par la suite, nous avons été contacté par Gabrielle Cluzel pour réaliser une interview pour Boulevard Voltaire, un autre site d’extrême droite.

Après avoir insisté pour me joindre par téléphone et, devant mon refus (ma flemme) de réaliser l'interview, la rédactrice de Boulevard Voltaire n'a finalement pas publié le témoignage. C'est tout à son honneur.

Suites et conclusions de l'expérience

Initialement, la publication du Salon Beige donnait le nom de l'école et même le lien vers leur site internet. L'erreur que nous avons pu commettre fut de sous-estimer la stupidité des lecteurs : en effet, certains décidèrent d’interpeller eux-même la direction de l'établissement, qui n'avait rien demandé.

Pour tenter d'épargner le plus possible l'école et sa pauvre directrice, nous avons envoyé le mail suivant afin de faire supprimer du billet la mention de l'établissement :

Je vous épargne les démarches accomplies auprès de Riposte Laïque et de Résistance Républicaine pour leur faire supprimer également les mentions de l'école ainsi que les encouragements à contacter la direction...

Nous avons appris récemment que l'école a porté plainte pour diffamation contre les sites du Salon Beige et de Riposte Laïque.

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Alors, est-ce de leur faute ?

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Bah oui... On ne publie pas sur internet, en mode public, des informations complètement erronées. En fait, avant de publier des accusations explicites envers une personne ou une structure, on vérifie, on croise des sources indépendantes, on reste sceptique.

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Quel est le but de tout ça finalement ?

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Il y en a deux :

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- Montrer qu'il est très facile (et très marrant, on va pas se le cacher...) de faire croire ce que l'on veut à cette communauté, cette bulle qui s'auto-alimente et qui s'auto-confirme dans ses idées, ses obsessions.

J'invite d'ailleurs tous les internautes à inonder de "fake news" ces sites et blogs : on pourrait imaginer une sorte de concours qui récompenserait celui qui amènera son histoire le plus loin possible...

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- Faire comprendre que la vérification, le croisement des sources indépendantes et tous ces trucs de journalistes c'est pas si mal finalement...

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En cadeau bonus, voici la réponse de la rédaction de Riposte Laïque au journaliste de Ouest France qui enquête sur la question. C'est collector :

Mais avant tout...

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Bismillah !

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